Face à l’urgence climatique, les partenariats public-privé (PPP) s’imposent comme une solution innovante pour accélérer le développement des énergies renouvelables. Mais ces collaborations soulèvent de nombreuses questions juridiques complexes. Décryptage des enjeux et des défis à relever.
Le cadre juridique des PPP dans le secteur des énergies renouvelables
Les partenariats public-privé dans le domaine des énergies renouvelables s’inscrivent dans un cadre juridique spécifique. La loi n°2008-735 du 28 juillet 2008 relative aux contrats de partenariat constitue le socle législatif de ces collaborations. Elle définit les conditions de recours aux PPP et encadre leur mise en œuvre. Pour les projets d’énergies renouvelables, des dispositions particulières s’appliquent, notamment issues du Code de l’énergie et du Code de l’environnement.
La directive européenne 2018/2001 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables vient compléter ce dispositif. Elle fixe des objectifs contraignants en matière de développement des énergies vertes et encourage le recours aux PPP pour les atteindre. Les États membres doivent transposer ces dispositions dans leur droit national, ce qui peut nécessiter des adaptations du cadre juridique existant.
Les enjeux de la répartition des risques entre partenaires public et privé
L’un des principaux défis juridiques des PPP dans les énergies renouvelables réside dans la répartition équilibrée des risques entre les partenaires. Le contrat de partenariat doit définir précisément les responsabilités de chacun tout au long du projet. Les risques liés à la conception, au financement, à la construction et à l’exploitation des installations doivent être clairement identifiés et attribués.
La question de la garantie de performance est particulièrement sensible dans le secteur des énergies renouvelables. Le partenaire privé s’engage généralement sur des objectifs de production d’énergie, mais les aléas climatiques peuvent affecter les rendements. Le contrat doit donc prévoir des mécanismes d’ajustement et de compensation pour gérer ces incertitudes. La jurisprudence du Conseil d’État apporte des éclairages utiles sur ces questions, notamment dans sa décision du 30 juillet 2014 (n°363007) relative à un contrat de partenariat pour une centrale photovoltaïque.
Les enjeux de financement et de fiscalité
Le financement des projets d’énergies renouvelables en PPP soulève des questions juridiques spécifiques. Le recours à des montages complexes, impliquant souvent des sociétés de projet dédiées, nécessite une expertise pointue. Les aspects fiscaux sont particulièrement sensibles, avec des enjeux autour de la TVA, de l’impôt sur les sociétés ou encore des taxes foncières.
Le régime des aides d’État doit être scrupuleusement respecté pour éviter tout risque de contentieux. La Commission européenne a adopté en 2014 des lignes directrices concernant les aides d’État à la protection de l’environnement et à l’énergie, qui encadrent strictement les soutiens publics aux projets d’énergies renouvelables. Les PPP doivent s’inscrire dans ce cadre, ce qui peut complexifier leur structuration juridique et financière.
Les enjeux environnementaux et d’acceptabilité sociale
Les projets d’énergies renouvelables en PPP doivent composer avec un cadre juridique environnemental exigeant. La réalisation d’une étude d’impact est généralement obligatoire, conformément aux dispositions du Code de l’environnement. Les procédures d’autorisation peuvent être longues et complexes, notamment pour les projets éoliens ou photovoltaïques de grande envergure.
L’acceptabilité sociale des projets constitue un enjeu majeur, avec des risques de contentieux importants. Le droit de l’urbanisme et le droit de l’environnement offrent de nombreuses possibilités de recours aux opposants. Les partenaires public et privé doivent anticiper ces risques juridiques et mettre en place des stratégies de concertation et de communication adaptées. La jurisprudence récente du Conseil d’État (par exemple, décision du 14 juin 2021, n°446662) souligne l’importance de ces enjeux.
Les enjeux de gouvernance et de contrôle
La gouvernance des PPP dans le secteur des énergies renouvelables soulève des questions juridiques spécifiques. Le contrat doit prévoir des mécanismes de pilotage et de suivi permettant à la personne publique d’exercer un contrôle effectif sur le projet. La transparence et la redevabilité sont des exigences fortes, renforcées par la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.
Le contrôle de légalité exercé par le préfet sur les contrats de partenariat constitue une garantie importante. La Cour des comptes et les chambres régionales des comptes jouent également un rôle clé dans l’évaluation de ces montages complexes. Leurs rapports peuvent mettre en lumière des zones de risque juridique et financier, comme l’illustre le référé de la Cour des comptes du 21 octobre 2019 sur la politique de développement des énergies renouvelables.
Les enjeux liés à l’évolution du cadre réglementaire
Le secteur des énergies renouvelables connaît une évolution rapide de son cadre réglementaire, ce qui constitue un défi majeur pour les PPP. Les contrats doivent intégrer des clauses de revoyure et d’adaptation pour tenir compte des changements législatifs et réglementaires. La question de l’imprévision peut se poser en cas de bouleversement de l’équilibre économique du contrat.
La transition énergétique s’accompagne de nouvelles exigences en matière de stockage de l’énergie, de réseaux intelligents ou encore d’hydrogène vert. Ces innovations technologiques soulèvent des questions juridiques inédites que les PPP doivent anticiper. La loi n°2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat a par exemple introduit de nouvelles dispositions sur l’autoconsommation collective, qui peuvent impacter certains projets en PPP.
Les partenariats public-privé dans le secteur des énergies renouvelables sont confrontés à des défis juridiques multiples et complexes. De la répartition des risques aux enjeux de gouvernance, en passant par les questions de financement et d’environnement, ces projets nécessitent une expertise juridique pointue. L’évolution rapide du cadre réglementaire et les innovations technologiques ajoutent une dimension supplémentaire à ces enjeux. Malgré ces difficultés, les PPP restent un outil précieux pour accélérer la transition énergétique, à condition de maîtriser pleinement leurs implications juridiques.